Derrière les préconisations de la CRE Un résumé de l’article de Martine Orange dans Mediapart 11 mars 2019

, par Nadette

Hausse du tarif réglementé de l’électricité :
Pour maintenir la concurrence, on augmente les prix !

Après les autoroutes, ADP, l’électricité. Contrairement aux promesses du gouvernement, le prix de l’électricité devrait augmenter et même dans des proportions considérables. Passant outre la loi, la commission de régulation de l’énergie a décidé de lancer le démantèlement du service public de l’électricité et d’EDF. Objectif : transférer la rente publique nucléaire vers le privé, au détriment des ménages et de l’économie. Même l’Autorité de la concurrence est contre.

Les tarifs réglementés de l’électricité vont augmenter de 5,9% au 1er juin 2019 au plus tard si la décision de la CRE (commission de régulation de l’électricité) est avalisée par le gouvernement, sachant que la CRE et le gouvernement travaillent main dans la main.

LOI NOME (Nouvelle organisation du marché de l’électricité) et Prix garanti :

Pour introduire de la concurrence entre opérateurs et faire baisser ainsi les prix de l’électricité, la loi NOME (2010, Fillon) affecte environ ¼ de la production nucléaire d’EDF (100 TWh) aux nouveaux entrants sur le marché de l’électricité au prix fixé par décret de 42€/MWh (prix de revient estimé de la production nucléaire + marge).
Dispositif appelé ARENH (accès régulé à l’énergie nucléaire historique) qui court jusqu’en 2025.

CE QUI S’EST PASSE ENSUITE

Du fait d’un prix relativement bas du marché de l’électricité, les « nouveaux entrants » n’ont pas construit de moyens de production, ou peu, même si les conditions financières de subvention des renouvelables étaient exceptionnelles (cas d’un contrat représentant 0,7% de la puissance installée rémunéré à 480€/MWh - à comparer aux 42€ garantis par EDF). Les nouveaux fournisseurs sont restés des historiques (Total ou Engie) ou des financiers. Aujourd’hui, 15,6 % de la production française est renouvelable : niveau dérisoire vu le coût payé par le client final. 20% des clients sont passés à la concurrence.

Les nouveaux fournisseurs (virtuels) ont préféré mener des activités purement financières sur le marché de l’électricité. Pour faire simple : quand les prix du marché sont plus élevés que le prix garanti de 42 €, alors les opérateurs achètent l’électricité à 42€/MWh auprès d’EDF. Quand les prix du marché sont moins élevés que le prix garanti de 42 €, alors les opérateurs achètent sur le marché.

En 2018, les prix du marché de gros se sont envolés (effondrement de la production renouvelable durant l’été), passant de 41€/MWh en janvier, à 59€ en décembre avec des pointes à 100€. Les « producteurs virtuels » se sont alors jetés sur la production d’EDF et la demande est allée jusqu’à 135 TWh (au-delà des 100 TWh fixés par la loi NOME – Dispositif ARENH). Ils ont alors dû s’approvisionner au prix fort sur le marché. Intolérable pour la CRE !

PROJET DE DECISION DE LA CRE DU FAIT DE LA SITUATION TRAGIQUE POUR LES NOUVEAUX ENTRANTS
1/ Le distributeur EDF n’aura plus accès à son parc de centrales et sera astreint au même rationnement dans le cadre du dispositif ARENH que les autres fournisseurs.
2/ A partir du moment où les demandes de fournisseurs alternatifs dépasseront le maximum ARHEN (100 TWh) et qu’ils devront se fournir pour plus cher sur le marché, le distributeur EDF devra appliquer un surcoût à ses tarifs de vente pour les aligner sur ceux de ses concurrents. Pour 2019, ce surcoût concernerait 25% du tarif de vente.
3/ La CRE calculera cette part du prix (25%) en fonction de la période la plus pénalisante de l’année (chute production renouvelables) à 60€/MWh « prix du marché ». Une aubaine y compris pour EDF.
HAUSSE DES TARIFS REGLEMENTES D’EDF GENEREE PAR LE PROJET DE LA CRE

« La CRE elle-même a calculé que le prix de marché qu’elle a pris comme référence (60 euros le MWh) se traduit par une hausse de 3,6 euros hors taxes par MWh, qui viennent s’ajouter aux 3,3 euros après l’interdiction faite à EDF d’avoir accès à sa propre électricité produite, et au 1,4 euro lié au 25 % d’approvisionnement au prix du marché, soit 8,3 euros d’augmentation » qui mettent le prix du MWh à 50,3 euros au lieu de 42 (19,7 % de hausse [1] ).

« Par ce grand transfert de rente vers le privé, la CRE assure aux fournisseurs, sans effort, une augmentation de leurs résultats et de leurs dividendes ». Le tout sans contrepartie, ni sur le plan de la sécurité d’approvisionnement, ni d’engagement sur les renouvelables, sans participation aux coûts du nucléaire, sans prise en charge du démantèlement ou la gestion des déchets et sans souci d’aménagement du territoire.

La facture cachée du nucléaire, les désastres financiers de la filière, le prix exorbitant des démantèlements à venir, la gestion des déchets, l’État assumera, du moins, le contribuable en temps voulu. EDF figure aussi parmi les grands gagnants de l’opération, une façon de renflouer le groupe public après ses aventures financières déplorables .. Pour un foyer qui se chauffe à l’électricité, la hausse des tarifs régulés représente 85 euros TTC supplémentaires par an environ.

CLAUSE DE RATTRAPPAGE DISSUASIVE

Pour que l’état ne tarde pas à mettre en vigueur ses nouveaux tarifs, la CRE a inclus une clause de rattrapage dissuasive qui court depuis début janvier 2019 : si les prix sont augmentés au 1er mars, le régulateur appliquera une hausse de 0,6%, au 1er juin de 1,1% et au 1er août de 1,5%, qui s’ajouteront aux 8,3 euros déjà prévus.

REORGANISATION EN VUE DU SERVICE PUBLIC

« Selon les informations obtenues par Mediapart, l’État aurait en tête de renationaliser EDF, ce qui lui permettrait d’avoir la main sur tout le nucléaire. Par la suite, les filiales les plus profitables, énergies renouvelables (EDF ER), gestion d’énergie (Dalkia), la distribution et autres, seraient vendues ou cotées en bourse. Le parc nucléaire, lui, resterait à 100 % nationalisé, l’État étant le seul à pouvoir offrir les garanties suffisantes pour assumer les risques – surtout depuis Fukushima – et la fin de vie du parc. »


[1] La hausse pour le client est de 5,9% car le prix du MWh représente un tiers de la facture d’électricité, le reste représentant le coût des taxes (35%) et du transport (inchangés)